< Page 2

Civilisation :

L'art de l'énigme, un jeu éducatif tibétain

L'art de l'énigme occupe une place importante dans la culture tibétaine traditionnelle particulièrement chez les nomades. Les tibétains aiment jouer à résoudre les énigmes le soir avant de se coucher ou le matin de bonne heure. Dans une des versions traditionnelles du jeu, les participants opèrent, tout d'abord, une divination (mo) ou jouent à la courte paille ou à ciseaux-cailloux. Le vainqueur obtient symboliquement la terre et toutes ses possessions tandis que le perdant reçoit le ciel et toutes  ses possessions. Puis, les joueurs se posent, à tour de rôle, des énigmes et à chaque fois que l'un des deux perd, il doit offrir symboliquement un objet ou un animal de ses possessions (ciel ou terre).
Habituellement, les énigmes sont composées en vers tout comme les proverbes et la poésie orale. Beaucoup d'entre elles ont trait aux parties du corps, aux animaux ou aux objets de la vie courante : 
« Qu'est-ce qu'un yack immobile avec des intestins qui remuent ? »--------------Une tente de nomades !                   « Qu'est-ce qu'un yaourt entrain de fermenter sous un buisson d'herbe penpa  ? »-------------Le cerveau !                  « Qu'est-ce qu'un monastère d'une blancheur éclatante avec un petit moine rouge à l'intérieur ? »------------- La bouche (les dents et la langue) !.

"Manuel de tibétain standard " de Nicolas Tournadre et Sangda dorje  Edition l'Asiathéque

Un mandala de sable

Architecture complexe aux multi-couleurs éclatantes, un mandala se présente comme un tableau, réalisé en 3 dimensions, à l'aide de sable coloré déposé sur un plateau de bois carré, posé à l'horizontal.
Sa réalisation, confiée à des moines qualifiés par de nombreuses années d'apprentissage et de pratique, nécessite plusieurs jours ou semaines, selon la multiplicité des détails, d'un travail minutieux, exempt de toute improvisation ou initiative artistique.
Terme sanscrit, mandala se traduit en tibétain par kyilkhor, signifiant « centre et périphérie ». Diagramme symbolisant l'ensemble d'une forme de l'esprit, il est réalisé lors de certaines initiations ou cérémonies comme support de méditation ou de visualisation. Le plus souvent, il est dédié à une divinité principale qui en occupe le centre (kyil) lequel s'inscrit dans trois cercles (khor)  détaillant ses différents champs d'action.
A l'extérieur, le premier, de feu, exerce un rôle protecteur, le second, composé de « dojé » -(foudre diamant)- représente un objet rituel symbolique de l'éveil, a pour signification l'indestructibilité de l'esprit, le troisième, enceinte intérieure, constituée de lotus symbolise la pureté.
La visualisation permet au pratiquant de pénétrer dans le « temple » de la divinité, ouvert par quatre portes, aux points cardinaux, de s'identifier et se fondre en elle.
Le mandala pourrait se présenter comme une mise en scène du tout : le cosmos, le corps, la conscience, la parole, l'esprit… permettant au méditant d'entrer dans cet univers en percevant sa nature réelle, la vacuité, le vide, absence d'existence propre, impliquant absence de temps et de lieu. Cette notion de vacuité ne peut an aucun cas être assimilée au néant car elle n'exclut ni conscience, ni manifestation.
Le psychologue et psychiatre suisse CG Jung, élève de Freud, manifesta un intérêt particulier pour les mandalas mettant en évidence la notion d'archétypes « images anciennes qui appartiennent au trésor commun  de l'humanité » et qui  expriment  l'inconscient collectif. Aujourd'hui encore, certains psychologues étudient les effets bénéfiques, voire thérapeutiques du symbolisme du mandala chez les enfants, personnes âgées ou malades mentaux, en excluant cependant la fonction de support de méditation.
Une fois achevé, le mandala, ce chef d'oeuvre magnifique où chaque grain de sable avait sa place, disparaît. Lors d'une cérémonie, le sable balayé délicatement est déposé dans une urne et dispersé dans l'eau d'une rivière ou d'un fleuve. Pour nous occidentaux, quel gâchis !. L'œuvre parfaite est détruite. En fait, elle n'était qu'un symbole d'impermanence, l'aspect transitoire de toute forme de réalité propre. Elle ne fut présente à notre regard que pour nous démontrer que la réalité n'est qu'apparence et n'a pas d'existence en soi.. Que notre soif de possession, de conservation de ce qui fut n'est qu'illusion. membres.lycos.fr/guesar/